Le multilinguisme et la technologie
Ça fait presque une année depuis la dernière fois que j’ai écrit quelque chose plus longue que quelques paragraphes en français; donc, je me suis dit que je devrais pratiquer… en écrivant un article!
Vous pouvez accéder à la traduction anglaise ici. || An English translation of this article is available here.
Étant un étudiant universitaire de génie informatique et une personne qui vit dans cette époque de merveilles électroniques, il est remarquable à quel point la technologie s’est répandue dans chaque coin de la société moderne. Il faudrait qu’on soit enfermé dans une prison ou bien qu’on vive sur une île déserte sans civilisation pour ne pas avoir constaté sa virulence! Malgré son omniprésence, elle n’est pas très bien adaptée pour les gens qui utilisent plusieurs langues lors de leur vie quotidienne.
D’abord, quelque chose qu’on utilise tous les jours: le clavier.
Ma liste de claviers sur chaque ordinateur est composée de quatre ou cinq éléments - l’anglais, le français, l’espagnol, le chinois simplifié, et le chinois traditionnel - et des variations sur ces thèmes. Sur le téléphone, j’utilise Swiftkey, qui me permet de gribouiller en anglais et en français en même temps; malheureusement, il n’est pas possible d’en ajouter une troisième langue. En outre, j’ajoute à cette liste deux méthodes d’entrer le chinois: avec le pinyin moderne, et l’écriture manuelle.
Sur chaque system d’exploitation que j’utilise (iOS, Android, Windows, Mac, Ubuntu), la configuration logicielle des claviers est subtilement différent. J’utilise le style “Canadien” pour le français: sur Windows, il se présente ainsi; sur le Mac, c’est comme ça. Pour changer entre les claviers, la liste est présentée en ordre prédéterminé sur Windows, iOS, et Android; sur Mac et Ubuntu, la liste est organisée par ordre d’utilisation.
Le monde des claviers, c’est le chaos, et il n’y a pas vraiment de solution optimale.
Ensuite, prenons, par exemple, les assistants virtuels comme l’Assistant Google ou Alexa. Je suis enthousiaste de la domotique et les enceintes intelligentes, mais il existe de nombreux problèmes avec leur fonctionnalités multilingues.
Alexa, offert par la société americaine Amazon, ne parlait pas le français jusqu’a la semaine dernière, quatre ans après son lancement aux États-Unis. Elle ne parle toujours pas le français canadien, qui a des différences, disons, majeures avec son cousin européen. L’enceinte ne peut pas parler en espagnol, avec ses 400 millions de parleurs, ni le mandarin ou le cantonais…
Sa compétition principale, l’assistant Google, fait un peu mieux dans le département des langues. Elle connaît huit langues, avec l’anglais (localisé pour six régions différentes), le français (canadien et européen), l’espagnol (américaine, mexicaine, et espagnole), l’allemand, l’italien, le japonais, (et apparemment le coréen et le portugais, mais je n’ai pas pu trouver ces options dans les réglages de l’enceinte). Google dit qu’il y aura plus de trente langues prises en charge à l’avenir, et promet aussi la compréhension multilangue en quelques mois pour l’anglais, le français, et l’allemand.
Siri est encore mieux que les autres, offrant même une distinction entre le cantonais continental et celui de Hong Kong. Mais le prix du Homepod et son absence dans la majorité des marchés dans le monde, ainsi que sa compréhension atroce de l’intention de ses utilisateurs la rend presque inutile et assez insignifiante dans la vue d’ensemble des enceintes intelligentes.
Les trois ont de la difficulté avec les noms et la fonctionnalité quand elles sont exposées à un environnement multilangue:
- Alexa (en mode français de la France) ne peut pas allumer ni éteindre mes lumières parce qu’elles ont des noms anglais qu’elle ne peut pas prononcer. Elle ne répond non plus à la commande “Eteins toutes mes lumières” parce qu’elle croit que j’ai un appareil appelé “toutes mes lumières”. (???)
- Quand l’Assistant Google était lancé en espagnol, je l’ai essayée la première journée… mais elle n’a pas pu contrôler mes lumières pour quelle raison.
- L’Assistant Google ne peut pas jouer mes listes de lecture sur Spotify sauf si je mets un accent exagéré québecois, genre “OK Google, jouez ma liste de lecture deeescauvur weeeeekleeee!” En fait, comme j’écoute de la musique en plusieurs langues, c’est vraiment difficile d’exprimer de façon compréhensible au Google Home de jouer une piste spécifique avec un titre ou artiste avec une langue différente.
- L’Assistant Google, pour plusieurs mois, ne pouvait pas prononcer “Waterloo” en français. C’était vraiment bizarre; elle massacrait à chaque fois le mot, produisant quelque chose qui ressemblait à “Watam”. (???)
- Siri, en cantonais, ne peut pas déchiffrer les noms anglais de mes amis, entre eux “Edward”, “Megan”, ou “Ellen”.
- Siri, en anglais, ne peut pas déchiffrer les noms chinois de ma famille.
Je sais que ces problèmes sont parmi les plus first world problem qu’on pourrait avoir (oh quelle horreur, vos enceintes intelligentes ne fonctionnent pas! quelle dommage!11!!1), mais mon attitude vers la technologie pourrait être résumée ainsi: elle devrait être tellement facile à utiliser qu’on ne se rend pas compte à quel point on dépend d’elle. Et chaque fois que mon enceinte intelligente me dit “Excusez-moi, je ne comprends pas.”, l’illusion s’effondre un petit peu plus.
Il faut cependant reconnaître tous les avantages qu’apporte la technologie aussi pour les personnes qui savent parler ou veulent apprendre à parler plusieurs langues. Je ne pense pas que j’aurais appris à parler le français sans toutes les “baladodiffusions” (ouache ça, c’est un mot qui devrait vraiment emprunter à son équivalent anglais) disponibles, gratuits, sur l’Internet (particulièrement Le rendez-vous tech et Les années lumière). Ma liseuse m’a donné la chance de lire la littérature dans les langues étrangères sans avoir besoin d’un dictionnaire toujours à ma portée. Les forums et site web en ligne sont abondants, où je suis exposé à un champ lexical plus informel. Et finalement, bien sûr, l’humble téléphone, que j’utilise pour me connecter avec ma famille qui est separée par un océan.
Moi, j’ai tendance à être optimiste. Je suis profondément intéressé par l’interaction entre les êtres humains et la technologie, et je crois que la compréhension et la reconnaissance de l’existence de plusieurs langues facilitera considérablement cette interaction.
aaron at 20:04